Révolte du papier timbré

Direction de la révolte

Une révolte à deux visages prend le pas au rythme du tocsin sonné par les révoltés. Ils rendent avec force les coûts et exactions reçus des seigneurs mais ils écrivent aussi des « codes paysans » précurseurs des cahiers de doléances de la révolution de 1789.

La revendication des paysans, tout autant antifiscale que politique, est exprimée par huit textes appelés  Codes paysans ou « code pesovat » (ar pezh zo vat, ce qui est bon) qui montrent une volonté législative et réformatrice du mouvement des Bonnets rouges. Parmi les revendications ont notes :

  • l’abolition des impôts royaux écrasants,
  • La révolte contre les exactions des seigneurs est encore plus forte
  • Affirmation de la Liberté Armorique : c'est ainsi que les Bretons de l'époque appelaient leurs privilèges en vertu du traité d'union de la Bretagne à la France
  • Le clergé sera payé pour leurs services, et seulement pour cela
  • Les paysans demandent une représentation dans les états provinciaux,
  • égalité et abolissement des classes…

A l’origine, la crise économique de 1671 est de plus en plus difficile à supporter par les paysans dont les seigneurs exigent durement leurs droits en nature, en travail et en argent.
Depuis 1661, Louis XIV règne seul sur la France. Ses ambitions démesurées, ses guerres, son goût du luxe coûtent très cher. Douze nouvelles taxes sont créées par son ministre des finances Colbert, entre 1664 et 1675 qui a décidé de passer outre les prérogatives des Etats de Bretagne qui refusent ces nouvelles taxes (Anne de Bretagne, par le traité de 1532 en acceptant d’être reine de France gardait ses privilèges au duché de Bretagne. L’édit royal  de l’union (non l’intégration)  de la Bretagne spécifiait  « Aucun impôt ne pourra être levé que par le Parlement et les Etats de Bretagne [i]»). Néanmoins, en 1673, un papier timbré est exigé pour tout acte notarié. En 1674, c’est la vente du tabac et une taxe sur la vaisselle d’étain qui tombe sous le contrôle royal…  Le Duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, représentant du roi, explique à Colbert que les paysans s’émouvaient de la rumeur d’une nouvelle imposition sur le blé et sur le sel (gabelle)… Ecrasés par les impôts féodaux, la révolte gronde dans les villes et dans les campagnes. 
Le 2 juillet 1675, les révoltés rédigent le plus abouti des codes paysans  peut-être dans la chapelle Notre-Dame de Tréminou en Plomeur : Le Code paysan des quatorze paroisses : abolition du champart, des corvées, de la dîme ou du papier timbré, remise en cause des privilèges seigneuriaux, volonté de concorde entre paysans et gentilshommes et une justice équitable….
Dans une lettre du 5 juillet 1675 le duc de Chaulnes en informe Colbert. Le code paysan étonne l'Europe, l'ambassadeur de Venise en France en fait mention, comme certaines gazettes hollandaises et anglaises. C'est un texte bien construit, écrit sans doute par un ou plusieurs juristes. Or, le meneur le plus célèbre des Bonnets rouges, Sébastien Le Balp, a eu une formation de juriste à Nantes. Un siècle avant la révolution française, ces codes paysans sont des textes précurseurs des événements à venir et ressemblent par nombreux aspects aux cahiers de doléances de 1789.… Selon L’historien Boris Porchnev la révolte de 1675 annonce 1789… Pour le Professeur émérite d’histoire moderne Alain Croix, la révolte est un affrontement entre la bourgeoisie et ses alliés d'une part, l'Ancien Régime d'autre part, comme lors de la Révolution française, « à une échelle différente.

La révolte en centre Bretagne va trouver un chef dans un notaire issu des classes populaires : Sébastien Le Balp.

Sébastien Le Balp sut organiser une armée bretonne de 6000 hommes - Bonnets rouges , mais 30 000 autres volontaires bretons le suivent sans avoir d’armes. (Le nom de Bonnets rouges est lié au bonnet que les insurgés du Poher (Finistère centre) choisissent comme signe de ralliement, ceux du pays bigouden avaient un bonnet bleu. On pourrait parler de révolte des Bonnets rouges et bleus mais le rouge sied mieux à l’image de révolte sans doute…).

Un des bourgeois de Carhaix témoigne que Sébastien Le Balp s'était "acquis une telle réputation parmi les paysans révoltés [...] qu'il s'était fait passer pour le chef, que lesdits révoltés suivaient entièrement ses ordres pour sonner les tocsins, pour s'attrouper et s'assembler où il voulait[...]"

Avant les campagnes, le 3 avril 1675, les villes de Bretagne sont secouées par de violentes émeutes. Des troubles ont éclaté à Saint-Malo et Lamballe. A Guingamp et à Nantes, on a exécuté des meneurs. Le 18 avril 1675, à Rennes, les bureaux pour la distribution du tabac, de la marque de l'étain, du papier timbré et du domaine sont pillés, la foule défile dans la rue en criant « Vive le Roi sans gabelle et sans édits ». Le gouverneur de Bretagne, le duc de Chaulnes, est pratiquement assiégé dans son hôtel de Rennes.

Le 9 juin 1675, à Châteaulin, des paysans en armes s’en prennent au marquis de La Coste, lieutenant du roi pour la Basse Bretagne, venu maintenir l’ordre et faire exécuter  les nouveaux édits sur le tabac et le papier timbré qui servait à rédiger les actes notariés. Dans trente paroisses des alentours le tocsin retentit pour appeler à la rébellion.

Le samedi 6 juillet, un groupe de paysans et d’artisans conduits par Sébastien Le Balp, attaque et pille la résidence de Claude Sauvan, fermier des devoirs à Carhaix (collecteur d’impôts). Au cours de l’expédition, un commis est tué, les bureaux sont dévastés, des tonneaux sont défoncés, la vaisselle, les meubles et la recette sont emportés, puis la maison incendiée.

De Gonville, commissaire des guerres, écrit à Louvois, ministre des armées : "Il n'y a, Monseigneur, nulle sûreté par la campagne, il n'y a que les plus proches de Brest où le calme est".

Le duc de Chaulnes, en attendant les renforts, quitte Rennes et se réfugie à Port Louis (56).

Le 11 juillet 1675, ils sont près de 6000 insurgés dans la région de Saint-Hernin et Kergloff à prendre d’assaut et bruler le château du Seigneur Toussaint de Trévigy, connu pour sa dureté contre les paysans

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